samedi 14 novembre 2009

d'Holbach : La Contagion sacrée


Paul-Henri Thiry, baron d'Holbach (1723-1789)
La Contagion sacrée
Ou Histoire naturelle de la superstition
(Edition : coda poche)

Voici un baron philosophe que j'aime beaucoup. Il est trop peu connu à mon goût. Serait-ce parce qu'il était allemand, ou parce qu'il était athée ?






" Tout système religieux fondé sur un dieu si jaloux de ses droits qu'il s'offense des actions et des pensées des hommes, un dieu vindicatif qui veut qu'on défende sa cause, une telle religion, dis-je, doit rendre ses sectateurs inquiets, turbulents, inhumains, méchants par principes et implacables par devoir.

Elle doit porter le trouble sur la Terre, toujours remplie de spéculateurs dont les idées sur la divinité ne s'accorderont jamais, elle doit appeler les peuples au combat toutes les fois qu'on leur dira que l'intérêt du Ciel l'exige. Mais Dieu ne parle jamais aux mortels que par des interprètes, et ceux-ci ne le font parler que suivant leurs propres intérêts ; et ces intérêts sont toujours très opposés à ceux de la société.

Le vulgaire imbécile ne distinguera jamais son prêtre de son dieu. Dupe de sa confiance aveugle, il n'examinera point ses ordres, il marchera tête baissée contre ses ennemis, et sans s'informer jamais du sujet de la querelle (qu'il serait d'ailleurs incapable d'entendre), il égorgera sans scrupule ou s'exposera à mourir pour la défense d'une cause dont il n'est point instruit. Sa fureur se proportionnera néanmoins, à la grandeur du dieu qu'il croit intéressé dans la querelle.

Et comme il sait que ce dieu est tout-puissant et que tout lui est permis, il ne mettra point de bornes à sa propre haine, à sa férocité : il les regardera comme des effets légitimes du zèle que son dieu doit exciter dans ses adorateurs. Voilà pourquoi les guerres de religion sont les plus cruelles de toutes. En un mot, toute âme en qui le fanatisme religieux n'a point éteint les sentiments de l'humanité, est brûlée d'indignation et déchirée de pitié à la vue des barbaries, des perfidies et des tourments recherchés que la fureur religieuse a fait inventer aux hommes.

Ce fut communément au nom de Dieu et pour venger sa gloire que les plus grands forfaits se sont commis sur la Terre. Si je parcours la Terre en demandant à chacun de ses habitants ce qu'il pense de la bonté, de la justice, de la douceur, de la sociabilité, de l'humanité, de la bonne foi, de la sincérité, de la fidélité de ses engagements, de la reconnaissance, de la pitié filiale, etc, sa réponse ne sera point équivoque : chacun approuvera ces qualités, il les jugera nécessaires, il en parlera avec éloge.

Mais si je lui demande, ce qu'enseignent les prêtres, ce que disent les lois et ses souverains, ce que ses usages demandent de lui : jamais nous ne pourrons nous entendre, jamais nous ne tomberons d'accord sur rien.


Chapitre XV page 216
De l’inutilité et de l’impossibilité de corriger ou de réformer la superstition
Des remèdes efficaces que l’on peut lui opposer

De tous les liens qui attachent les hommes à la religion, l’habitude est le plus fort. L’éducation identifie avec nous les opinions les plus étranges, nos premières idées nous restent communément toute la vie. Elles ne nous choquent point dès que nous les avons reçues dans notre enfance, dès que nous les voyons autorisées par l’exemple, par l’opinion publique, par les lois, et surtout lorsque nous les voyons munies du sceau de l’Antiquité.
Ainsi, tout concourt à rendre la superstition chère aux hommes ou à les maintenir dans une honteuse inertie qui les empêche de rien examiner. En matière de religion, presque tout le monde est peuple. Les grands et les riches, occupés de leurs affaires ou de leurs plaisirs, ne songent pas plus que le vulgaire à examiner les fondements de leurs opinions. Presque personne d’entre ux ne se trouve assez gêné par sa religion pour se révolter contre elle. On la quitte et on la reprend suivant que les passions l’ordonnent ; ses spéculations paraissent sacrées à tout le monde, mais l’intérêt le plus faible l’emporte sur elles dans la pratique ; elles n’influent sur la conduite que lorsqu’elles s’accordent avec les passions ou qu’elles les justifient.
C’est ainsi que la religion devient une arme sûre pour nuire aux hommes sans jamais leur fournir des remèdes utiles. Le dieu bon les invite à mal faire, le dieu vengeur et méchant les rends insensés et cruels sans les rendre meilleurs.
Bien des gens sont convaincus de l’utilité et de la nécessité d’une religion, très peu en connaissent les dangers. Les souverains, ou superstitieux ou tyrans, la regardent comme l’appui de leur pouvoir sans vouloir s’apercevoir qu’elle devient leur ennemie dès qu’ils refusent de se rendre ses esclaves.
Les personnes les plus détrompées d’ailleurs des préjugés religieux ne laissent pas de se persuader que la religion est nécessaire pour contenir le peuple. Cependant, ce peuple, sans avoir rien examiné, est toujours prêt à se soulever à la voix de ses prêtres dès qu’on lui dit en gros que sa religion est attaquée. En un mot, les erreurs religieuses acquièrent une solidité inébranlable parce que jamais on ne peut les attaquer sans péril, tandis que ceux qui les défendent sont applaudis, honorés, récompensés. Tout semble donc conspirer à donner à la religion des défenseurs ardents et à décourager ses adversaires.


De nombreux livres de ce sympathique baron se trouvent disponibles chez nos amis sceptiques du Québec :



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