mercredi 30 septembre 2009

Hannah Arendt : Usage de l’Enfer en politique


Hannah Arendt : Du bon usage de l’Enfer en politique

Extrait de son ouvrage "La crise de la culture", Folio essais, chapitre III, ‘’Qu’est-ce que l’autorité ?’’

    Le saviez-vous ? C'est Platon qui a inventé l'enfer, dans la forme telle que le christianisme l'a enseigné (pour terrifier) en rédigeant son ouvrage fameux "La République". 

    Avant Platon, dans les anciennes religions, le royaume des morts, quand celles-ci en avaient un, n'était guère folichon, certes, mais on n'y torturait personne. (Quant au purgatoire, c'est le pape Innocent IV qui intégrera cette nouvelle invention dans le dogme chrétien au 13ème siècle).

    Platon avait compris qu'il ne pourrait jamais convaincre tout le monde de vivre selon les préceptes édictés dans son ouvrage décrivant une société parfaite (selon lui), mais plutôt "totalitaire" (selon beaucoup). Il inventa donc dans le livre X (10) de sa République, le mythe d'Er, qui raconte comment un soldat grec revenu d'entre les morts a décrit un royaume où les citoyens étaient punis ou récompensés selon leurs actes commis dans leur vie.

    Je vous conseille de lire l'ouvrage de Karl Popper intitulé "La société ouverte et ses ennemis". Dans le tome 1 il explique brillamment pourquoi Platon est le chantre de la réaction et le père de tous les totalitarismes. Mais si vous avez lu la République dudit Platon, vous aurez compris par vous-même que la société dont il rêve est le modèle de tous les pires cauchemars politiques...

    Vous pouvez lire le mythe d'Er sur cette page de mon blog-notes : Platon : Le mythe d’Er, L’invention de l’enfer…

Mais ne manquez pas de lire ci-dessous, le texte de la grande philosophe Hannah Arendt :

"...Quelles qu’aient pu être les autres influences historiques à l’œuvre dans l’élaboration de la doctrine de l’enfer, elle continua, pendant l’antiquité, d’être utilisée à des fins politiques dans l’intérêt du petit nombre pour conserver un contrôle moral et politique de la multitude. Le point décisif était toujours le même : la vérité par sa nature même est évidente et ne peut donc être discutée à fond ni démontrée d’une manière satisfaisante. C’est pourquoi la foi est nécessaire pour ceux qui n’ont pas d’yeux pour ce qui est à la fois évident, invisible et hors débat. En termes platoniciens, le petit nombre ne peut persuader la multitude de la vérité parce que la vérité ne peut être objet de persuasion, et la persuasion est la seule manière de s’y prendre avec la multitude. Mais la multitude, dévoyée par les fables irresponsables des poètes et des conteurs, peut être persuadée de croire presque n’importe quoi ; les histoires appropriées qui apportent à la multitude la vérité du petit nombre sont des histoires sur les récompenses et les châtiments après la mort ; à persuader les citoyens de l’existence de l’enfer, on les fera se conduire comme s’ils connaissaient la vérité."


Une fiche de lecture de cet ouvrage passionnant se trouve, ici : http://www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/arendt.html


Post scriptum :

    Autrefois l'enfer, c'était un monde de cauchemars après la mort. A présent que la plupart des gens sensés ne croient plus guère en ces infernales élucubrations, on tâche de nous convaincre de mille façons que l'enfer c'est l'avenirLe but est le même...

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